BÉRÉNICE/FRAGMENTS
du 14 janvier au 27 février 2019
Lundi,mardi,mercredi à 20h30
Théâtre de l’Épée de Bois - Cartoucherie
Attachée de presse :
Catherine Guizard
06 60 43 21 13 – 01 48 40 97 88
[email protected]
https://www.epeedebois.com/un-spectacle/berenice-fragments/
L'émotion n'a pas de sexe, la sensibilité non plus. On a dit de Racine qu'il y avait « une femme en lui »... Dans toutes sespièces, les rapports entre les personnages ne sont pas fondés sur la sexualité mais sur les rapports d'aliénation que génèrent la passion. Il y a celui ou celle qui aime et celui ou celle qui n'aime pas. Qu'importe qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme, les émotions sont les mêmes, la violence est la même, la douceur aussi. Jamais Racine n'entre dans une définition «genrée» de ses héros, c'est la passion qui les conduit à l'égarement, à la folie meurtrière, à la souffrance, jusqu'à l'envie de suicide comme seule échappatoire. Il n'y a qu'une seule voix qui «parle» au travers de tous ces personnages, celle de Racine, lui dont Madame de Sévigné disait qu'il ne « cessait d'être amoureux et dont le caractère était plein d'une passion inquiète et agitée »...
Dès cette époque, on l'a qualifié de « tendre Racine », et son œuvre est apparue comme un événement théâtral novateur. Il a mis l'amour-passion au premier plan de ses tragédies, alors que Corneille célébrait les sentiments « nobles et mâles » en critiquant son jeune rival, la tragédie exigeant, selon lui, une ambition plus valeureuse que la crainte de « perdre une maîtresse ». Pourtant le « tendre Racine » a su, comme Freud, débusquer tous les méandres les plus inattendus et les plus sauvages de l'âme humaine, il a donné à ses personnages une « nature biologique commune », celle de l'émotion et de la violence. Cette « nature émotionnelle commune », d'où naît l'amour-passion, pulvérise toutes les constructions culturelles de la représentation des hommes et des femmes.
La Bérénice historique
La vraie Bérénice, « honnie des Juifs parce qu'elle était trop romaine, et par les Romains parce qu'elle était juive », a été deux fois reine, et mariée trois fois. Bérénice, « la grande amoureuse, était d'abord une politique, une femme de pouvoir, qui a joué un rôle majeur pour tenter d'éviter la guerre de Judée ». Quand elle rencontre Titus, venu ramener l'ordre en Palestine, à la tête d'une légion romaine, elle a vingt ans de plus que lui.
La Bérénice de Racine
Sur les rivages de l'amour absolu, dans un Orient de rêve, la tragédie advient... La Bérénice de Racine est moins politique que son modèle historique. L'amour contrarié est la première préoccupation de ce trio inséparable : Titus, fils de Vespasien, empereur de Rome, aime Bérénice depuis cinq ans. La mort de son père le conduit sur le trône, mais les lois de Rome lui interdisent d'épouser une reine étrangère. Titus renonce à ce mariage, et demande à Antiochus, son ami et fidèle compagnon de combat, de reconduire Bérénice dans son pays. Antiochus lui avoue son amour pour la reine, comme il le lui a avoué, à elle, lorsqu'elle était encore une jeune fille. Les héros se séparent tous trois, après avoir été, chacun, tenté par le suicide.
Le parti-pris de mise en scène
Quand le spectacle commence, trois femmes sont là, qui murmurent au fond de la scène. Trois actrices vêtues sobrement, elles disent à mi-voix un texte de Racine qui habite leur mémoire. Elles sont les officiantes d'une cérémonie qui se répète depuis longtemps, une cérémonie où on invoque Racine, afin de faire renaître ses mots sur le théâtre.
Puis elles pénètrent, l'une après l'autre sur le plateau, où elles vont revêtir un costume : l'une, celui d'Antiochus, l'autre, celui de Bérénice, la troisième, celui de Titus. Elles revêtent ces costumes pour entrer en possession du rôle qu'elles vont incarner. Cette prise de rôle va leur permettre de jouer la situation écrite par Racine, l'enjeu du texte, cet amour-passion qui peut embraser aussi bien les femmes que les hommes, sans condition, bien au-delà du sexe de celles et ceux qui l'éprouvent.
Seul le texte de ces trois personnages, Antiochus, Bérénice et Titus, est « dit » sur le plateau. On entend celui des confidents - Arsace, Phénice et Paulin - depuis un ailleurs imaginaire. Dans Bérénice, comme dans toutes les pièces de Racine, les confidents n'ont quasiment jamais d'autonomie propre. Ces confidents sont présents comme le double de chaque héros, prêts à tout entendre, tout accepter, prêts aussi à renvoyer des arguments « de raison » contre le torrent émotionnel qui agite leurs maîtres. Ces confidents sont la représentation des contradictions des héros, de leur conscience. Le texte « dit », depuis un endroit invisible, fait pénétrer l'auditeur dans leur espace mental, dans le langage de leur raison. Cet ailleurs sonore devient alors perceptible comme un accès immédiat au dialogue intérieur des héros. Le texte des confidents est fragmenté. Seul l'essentiel de leurs propos est entendu par les spectateurs.
La langue
Tout en respectant la «mélancolie» de cette «tragédie élégiaque», ainsi que la plupart des commentateurs qualifient le texte de Racine, notre travail consiste aussi à tenter de pénétrer la spécificité singulière de cette écriture. Racine invente une langue, avec l'alexandrin comme support, il crée une machinerie implacable de la parole, machinerie qui contient le flot dévastateur des sentiments. Comme s'il avait voulu maintenir la violence et la sauvagerie de la passion dans une cage, dans le corset d'un alexandrin qu'il façonne à sa manière, à la fois musical et plein d'une rigueur janséniste. Il s'agit donc de laisser transparaître la violence de la passion dans cette élégie.
L'espace épuré de la tragédie
Racine, qui dirigeait les acteurs et qui mettait en scène ses textes, les voyait représentés sans décor, « rien sauf une chaise » aurait-il concédé à une de ses actrices fétiches.
Cet espace clos où les personnages se rencontrent, cette antichambre qui n'est qu'un passage d'un lieu à un autre, c'est l'espace de la tragédie, c'est-à-dire du langage, où la tragédie existe parce qu'elle est « dite » par les héros, ces héros « qui ne meurent jamais » devant nos yeux - comme le dit Barthes - « parce qu'ils parlent ».
Les mots emplissent l'espace clos, le vide, lui donnent un sens, ils construisent un espace de jeu, qui ne se limite pas à un lieu, à une époque. Ce vide, c'est une caisse de résonance, un dépouillement de l'espace qui permet de mieux entendre et de révéler la musique des mots.
Au lointain, à travers les grilles, un espace réservé de déambulation, où s'expriment le rite des officiantes, les voix intérieures des confidents, et d'où surgissent celles qui vont revêtir leur costume aux yeux du public, pour se métamorphoser, dans ce vaste quadrilatère.
Autour de ce palais racinien et de cette antichambre, la mer, les vaisseaux prêts à partir, la seule possibilité de fuite pour les personnages, qui prendront ces vaisseaux pour se séparer « à jamais ». S'il n'y a pas de mort physique, dans la coulisse de cette pièce de Racine, il y a la séparation de ce trio indissoluble, et cette séparation va devenir une mort symbolique pour chacun d'eux. La pièce se déroule dans cet « espace vide », « sans même une chaise », sans rien d'autre que les murs du théâtre.
On entend la mer, par à-coups, comme un appel à s'enfuir de cet enclos tragique...
Laurence Février/ octobre 2018
Théâtre de l’Épée de Bois
CARTOUCHERIE-ROUTE DU CHAMP DE MANŒUVRE- 75012 PARIS
Accès : Métro Ligne 1, arrêt Château de Vincennes. Sortie N°6 puis prendre le bus 112 direction La Varenne : arrêt Cartoucherie et occasionnellement la navette Cartoucherie près de la station de taxis, service gratuit avant et après le spectacle.
Du 14 janvier au 27 février 2019
LUNDI, MARDI, MERCREDI à 20h30
Réservations :
01 48 08 39 74
www.epeedebois.com
CARTOUCHERIE-ROUTE DU CHAMP DE MANŒUVRE- 75012 PARIS
Accès : Métro Ligne 1, arrêt Château de Vincennes. Sortie N°6 puis prendre le bus 112 direction La Varenne : arrêt Cartoucherie et occasionnellement la navette Cartoucherie près de la station de taxis, service gratuit avant et après le spectacle.
Du 14 janvier au 27 février 2019
LUNDI, MARDI, MERCREDI à 20h30
Réservations :
01 48 08 39 74
www.epeedebois.com